Formidable Festival de Menton 2024

by Carlo Schreiber

Il n’est guère de plus beau lieu de festival d’été que celui de Menton. Perché au-dessus de la mer, dominé par la façade et le clocher d’une merveilleuse église baroque, protégé par le glaive séculaire de la statue de Saint-Michel et recouvert par le ciel étoilé. Le festival accueille depuis soixante-quinze ans les plus grands artistes classiques du monde.

Esplanade des Sablettes  à Menton le 27 juillet 2024
Il faut absolument commenter l’extraordinaire concert de préouverture du Festival.
Concert gratuit, à l’Esplanade des Sablettes, afin de permettre à tout le monde de participer à cette fête célébrant le 75ème anniversaire du Festival de Musique de Menton.
Il y a des projections majestueuses sur les façades des maisons de la Vieille Ville
La “Misa Criolla” d’Ariel Ramirez est une œuvre musicale pour solistes, chœur et orchestre, de nature religieuse et folklorique, Composée, créée et enregistrée il y a 60 ans, l’album a reçu à l’époque des disques d’or et de platine. Elle fut inscrite au catalogue du Vatican, où elle fut également présentée sous le pontificat du pape Paul VI comme une “œuvre d’importance religieuse universelle”. C’est Emilio Gonzalez Toro, célèbre ténor dans le répertoire baroque, suisse d’origine chilienne, qui a chargé son ami le génial pianiste et compositeur Thomas Ehnco d’arranger la “Misa Criolla” dans un style jazz latino-américain. C’est une réussite absolue. Le public réagit au quart de tour.  Le musicien cubain Alain Pérez, bassiste, chanteur, arrangeur, une des figures de la salsa cubaine contemporaine donne la réplique à Emilio Gonzalez Toro. Ils sont entourés de Thomas Ehnco au piano et du “Nicolas Folmer Big Band”. Tout est authentique, chaleureux, ressenti. Les musiciens sont toujours à la recherche de l’émotion du public, partagent et donnent du bonheur.
A la fin du spectacle sur les rythmes de musique sud-américaine, de nombreuses personnes viennent danser près de la scène. Plus de 500 personnes ont des visages radieux
Concert d’ouverture du Festival de Musique de Menton
Dimanche 28 juillet 2024   Parvis de la Basilique Saint Michel Archange
Orchestre Philharmonique de Nice
Lionel Bringuier, direction
Alexandre Tharaud, piano
La célébration du 75ème anniversaire du Festival de Menton commence par un concert symphonique.  L’Orchestre Philharmonique de Nice placé sous la direction de Lionel Bringuier, présente un programme avec des chefs-d’œuvre incontournables.
Lionel Bringuier a été nommé Chef principal de l’Orchestre Philharmonique de Nice en décembre 2023 et il deviendra directeur musical l’Orchestre Philharmonique Royal de Liège (ORPL) à partir de la rentrée 2025.
L’Ouverture des Noces de Figaro de Mozart est un morceau emblématique.
Il fait sonner ce morceau avec toute la verve, l’énergie et l’enthousiasme nécessaire pour commencer cette fête musicale.
L’éminent pianiste Alexandre Tharaud avait déjà enchanté le public du Festival en 2021, dans un programme de musique de chambre.
Le concerto en sol de Maurice Ravel est un des concertos favoris de Tharaud.
Son interprétation est très différente de celle qu’on a l’habitude d’entendre. Il capture la fraîcheur, la tendresse et l’émerveillement qui caractérisent ce concerto. L’impressionnante abondance de textures et de couleurs sensuelles séduit l’audience. C’est une version agréablement envoûtante qui procure étrangement la paix.
Le jeu lumineux d’Alexandre Tharaud est en symbiose avec l’orchestre.
Il fait très chaud et les musiciens de l’orchestre souffrent des conditions atmosphériques.
Ils ont l’habitude de jouer à l’Opéra de Nice, qui est un joyau du point de vue acoustique.
Se retrouver à l’étroit sur la scène du Parvis n’offre pas la possibilité de tirer le maximum
de leurs instruments.
Alexandre Tharaud nous avait donné dans le passé, l’impression d’être un musicien introverti  et plutôt cérébral. Après l’ovation du public, il se lâche et offre en bis un arrangement de la chanson “Padam, Padam” d’Edith Piaf. L’arrangement commence par un thème reprenant le mouvement lent du concerto en sol de Ravel ce qui fait le lien.
C’est un moment de jubilation.
Le concert se termine avec la Symphonie Italienne de Mendelssohn, une merveille de beauté harmonieuse.
L’orchestre entier danse, paré de mille soleils. On saisit l’un des aspects les plus significatifs de l’Italie : l’aspect émotionnel et sentimental, les notes de tristesse alternant avec la joie et la vivacité. Lionel Bringuier dirige avec brio, exubérance et énergie. Une joie pour l’auditeur.
Parvis de la Basilique Saint-Michel    8 août 
Verbier Festival Orchestra    Gábor Takács-Nagy , direction   Alexandra Dovgan, piano
Le Festival de Verbier offre la merveilleuse opportunité à des talents émergeants de travailler pendant quelques semaines avec les plus grands chefs et solistes de notre époque.
Le Verbier Festival Orchestra (VFO) fondé en 2000 est un rite de passage pour ces jeunes musiciens exceptionnels d’aujourd’hui qui viennent des quatre coins de la planète. Il est reconnu comme l’un des meilleurs orchestres de formation du monde.
Gábor Takács-Nagy est devenu le directeur musical de l’orchestre en 2007.
Fondateur du célèbre Quatuor Takács (de 1975 à 1992), il est également professeur de Quatuor à cordes au Conservatoire de Genève, le principal chef invité du Budapest Festival Orchestra et le directeur musical de la Manchester Camerata.
Musicien accompli, Gábor Takács-Nagy mène les jeunes à la baguette, même s’il dirige l’orchestre avec les mains. Ils sont tous hyper motivés et se donnent corps et âme.
Alexandra Dovgan est une jeune musicienne de 17 ans. Elle se retrouve sur les plus grandes scènes internationales, grâce à son immense talent, sa musicalité, sa sincérité et sa maturité. Pas de gestes inutiles au piano, pas d’effets de diva virtuose, mais une grande sérénité. Elle touche le public au fond du cœur, on a le souffle coupé.
Son interprétation du concerto pour piano de Grieg est sublime.
Le timbre est unique, le timing divin.
Elle fait ressentir la passion, l’amour de la musique, la maîtrise suprême du Génie absolu : les yeux fermés comme à l’église en contemplation religieuse. Grieg doit être en extase au paradis. On a la chair de poule partout et des larmes de joie à la fin.
Elle est en symbiose avec l’orchestre.
Après de nombreux rappels elle donne en bis le superbe Prélude en si mineur de Bach arrangé par Alexandre Siloti, où elle met en valeur sa riche palette sonore
La soirée commence avec la première symphonie (des 104) de Joseph Haydn.
Une des plus belles, des plus exaltantes et des plus revigorantes pièces de toute la littérature musicale. Le VFO et Gábor Takács-Nagy sont rayonnants. Un optimisme incroyable, de la gaieté, de l’amour de la vie. Du génie dans la simplicité.
Après l’entracte et avant d’entrer en scène on entend les musiciens faire une sorte de Haka en coulisse avec leur chef. La Symphonie n° 39 de Mozart prend alors vie avec une énergie et une précision étonnante. Les musiciens jouent debout (excepté les violoncelles et contrebasses). Chaque section de l’orchestre, des cordes aux cuivres, joue avec clarté et émotion. Le public les ovationne. Gábor Takács-Nagy rappelle qu’il a été invité au Festival de Menton avec son quatuor par André Borocz. Il lui rend hommage et dédie en bis une polka de Johann Strauss à l’occasion du 75ème anniversaire du Festival. C’est un véritable feu d’artifice.
Parvis de la Basilique Saint-Michel    samedi 10 août 
Nelson Goerner, piano
J’ai eu le privilège de découvrir Nelson Goerner au Festival de Menton en 1992.
Il venait de remporter le Premier Prix au Concours de Genève et André Borocz l’avait invité pour jouer sur le Parvis. C’était un récital inoubliable.
Ce jeune pianiste exceptionnel âgé alors de 23 ans, timide et introverti à l’époque, a mis plus de temps à se faire connaître et à être reconnu du circuit musical international.
Nelson Goerner est revenu à Menton en 2016 pour un concert à 18 heures au Musée Cocteau. Il s’est produit peu de temps après au Théâtre des Champs Elysées et c’est à partir de ce moment que sa carrière a explosé.
C’est un bonheur de célébrer avec lui le 75ème anniversaire du Festival.
Le récital commence par la Chaconne de Haendel que Goerner joue comme s’il jouait sur un clavecin. La musique baroque n’est pas austère. Elle peut être extrêmement vigoureuse et flamboyante. On a l’impression que Goerner improvise. Son interprétation est pleine de joie et de plaisir. C’est une performance époustouflante, unique en son genre.
Les “Davidsblündertänze” (Danses des Compagnons de David) est une des pièces les plus populaires et les plus connues de Robert Schumann. Goerner capture l’essence du style de piano de Schumann et entraîne le public à explorer une gamme complète d’émotions.
Son talent musical fabuleux, allié à un grand cœur et à un esprit humanitaire, n’est pas quelque chose que l’on rencontre tous les jours. Goerner rejoint les pianistes légendaires Claudio Arrau, Vladimir Horowitz, Arturo Benedetti Michelangeli…
Nelson Goerner consacre la deuxième partie de son récital avec 4 pièces très contrastées de Franz Liszt, issues de différents cycles du compositeur.
Goerner donne une performance merveilleuse, expansive et méditative de la Ballade n°2 en si mineur.
Dans le Sonnet de Pétrarque, extrait des Années de pèlerinage, le jeu de Nelson Goerner est clair et scintillant. Un toucher magique, élégant, passionné, héroïque et puissant.
Il fait ricaner la Valse n°2 qu’il projette dans un XXe siècle qui sera celui de Bartók.
Il termine avec la très virtuose Rhapsodie Hongroise n°6 qui enflamme le public.
C’est un triomphe ! Trois bis, le nocturne n°20 en do dièse mineur de Chopin (celui interprété dans le film “Le Pianiste”), un morceau de Grieg et un prélude de Rachmaninov nous font espérer de le retrouver prochainement dans la région.
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Il faut féliciter Paul-Emmanuel Thomas, le directeur artistique du Festival depuis 2013 pour la qualité exceptionnelle de chaque concert.
Il a dû s’adapter aux temps actuels. Satisfaire le public avec un programme varié, où chacun trouve son bonheur tout en restant dans un budget raisonnable.
Présenter des artistes célèbres comme Fazil Say, Nelson Goerner, Alexandre Tharaud, Beatrice Rana, Sayaka Shoji, Renaud Capuçon , le vainqueur du Concours Reine Elisabeth Jonathan Fournel, et des jeunes musiciens à l’aube d’une grande carrière, tels Guillaume Bellom, Kian Soltani, Alexandra Dovgan, Arielle Beck, Mira Foron et Jan Čmejla.
Un concert baroque avec la flûtiste extraordinaire Lucie Horsch et un concert de tango avec cinq musiciennes pétillantes.
L’Orchestre Philharmonique de Nice et le sémillant Lionel Bringuier.
Le “Verbier Festival Orchestra” et le flamboyant Gábor Takács- Nagy.
Sans oublier le concert d’ouverture avec une “Misa Criolla” revisitée avec Emilio Gonzalez Toro, Alain Pérez, le Nicolas Folmer Big Band et Thomas Ehnco.

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